Victor Cherbuliez - Meta Holdenis
Meta Holdenis
Victor Cherbuliez
Mô tả
J’avais vingt-cinq ans ou peu s’en faut, et il y en avait trois que j’étudiais la peinture dans l’atelier d’un maître que vous connaissez, quand je reçus une lettre de mon père, brave tonnelier bourguignon retiré des affaires depuis peu, une lettre, vous dis-je, écrite de bonne encre, qui m’obligea de partir pour Beaune en grande hâte. J’eus bientôt fait de boucler ma valise. A la vérité j’étais inquiet, mal édifié de ma conduite ; je redoutais le visage et les sourcils paternels. Non que j’eusse sur la conscience de bien lourds méfaits ; j’aimais la peinture avec fureur : il m’arrivait de travailler d’arrache-pied trois semaines durant, sans m’accorder la moindre distraction ; mais de temps en temps je rompais ma gourmette, et je faisais tout d’une haleine trois ou quatre grosses folies. Ce qui rend coûteux les plaisirs de la jeunesse, c’est la vanité, quand elle s’en mêle. J’avais la rage de faire parler de moi et d’étonner la galerie ; les étonnements de mes amis me revenaient bien cher, et mes finances étaient bien courtes. Je n’avais pas encore médité le mot du sage « qu’il y a une différence si immense entre celui qui a sa fortune toute faite et celui qui la doit faire, que ce ne sont pas deux créatures de la même espèce. »