Henry James - Les Papiers de Jeffrey Aspern
Les Papiers de Jeffrey Aspern
Henry James
Mô tả
J’avais mis Mrs Prest dans ma confidence : à la vérité, sans elle, j’aurais bien peu avancé mes affaires, car l’idée féconde qui conduisit toute l’entreprise me vint par ses lèvres amies.Ce fut elle qui découvrit le raccourci et trancha le nœud gordien.En général, on ne croit pas qu’il soit facile aux femmes de s’élever à une vue large et libre des choses — des choses à faire — mais elles lancent parfois telle conception hardie (devant laquelle un homme aurait reculé) avec une sérénité singulière : « Faites-vous tout simplement prendre chez elles en qualité de pensionnaire. » Je crois que, livré à moi-même, j’aurais reculé devant cela. Je battais les buissons, m’essayant à être ingénieux, rêvant aux combinaisons qui me permettraient de faire leur connaissance, quand elle suggéra si heureusement que le moyen de faire leur connaissance était de pénétrer dans leur intimité. Elle n’en savait guère plus long que moi sur les demoiselles Bordereau ; je puis même dire que j’avais acquis en Angleterre plusieurs renseignements précis qu’elle ignorait. Leur nom avait été associé, bien des années auparavant, à l’un des plus grands noms du siècle — et maintenant elles vivaient obscurément à Venise, avec de très modestes ressources, sans relations, volontairement séquestrées dans un vieux palais croulant et solitaire : telle était, en résumé, l’impression que mon amie avait d’elles.