T. Combe - Cœurs lassés
Cœurs lassés
T. Combe
Description
Antoine Jaquier et son père se promenaient lentement dans l’étroit jardin qu’enserraient les groseilliers, et à chaque détour de l’allée sinueuse qui revenait sur elle-même, se tordait, puis courait vers la haie opposée comme pour chercher une issue, Antoine se disait que sa vie à lui rencontrait là une image fidèle : marcher à pas comptés dans la monotonie, soutenir un père triste et las, se heurter partout à des haies, à des limites… Point d’espace pour les grands élans, point d’horizon… Du haut d’un petit balcon découpé à jour, sa belle-mère surveillait leurs lentes évolutions parmi le fouillis des rosiers et des pieds-d’alouette. Elle aussi, avec sa voix douce et dolente, avec ses petites phrases inquiètes, tracassières, prenait place dans cette image instantanée, dans ce raccourci d’années très longues qu’Antoine Jaquier évoquait non sans amertume.