Jean Féron - Les cachots d’Haldimand
Les cachots d’Haldimand
Jean Féron
Description
Depuis deux jours la petite ville de Trois-Rivières était inondée par une pluie fine et froide que poussait un grand vent du nord-est. C’était un de ces temps à propos desquels l’habitant canadien aimait dire : — Voilà un bon « Nordet » pour couver la maison !On était peu après la mi-septembre de 1780, et à une époque où les esprits étaient encore tout bouleversés par le tourbillon des idées révolutionnaires qu’avaient propagées les Américains durant et après leur invasion du Canada, et par les belles et séduisantes promesses faites aux Canadiens pour leur faire adopter la politique des sujets de la Nouvelle-Angleterre. Aussi, faut-il dire que les Canadiens avaient été fort tentés par ces promesses ; un moment ils avaient penché pour les lois nouvelles des États américains, alors qu’ils subissaient les lois tyranniques imposées par l’Angleterre et appliquées d’une façon barbare par ses représentants. Et les rigueurs du nouveau représentant du roi d’Angleterre, le général Haldimand, n’étaient pas un remède et pas même un palliatif aux ferments de scission et de révolte qui grondaient au sein de nos populations françaises du Canada. On eût dit qu’un volcan naissait et qu’il allait à tout instant cracher ses laves incendiaires. Et les Américains ne cessaient de lancer leurs promesses et leurs exhortations.