Jean Balde - Le goéland
Le goéland
Jean Balde
Description
Le village d’Arès, posé sur le bord du bassin d’Arcachon, entre la grande nappe d’eau et les bois de pins, est habité par des pêcheurs et des résiniers. On y respire une odeur de mer et d’huîtres fraîches. A la marée basse, les longues pinasses des parqueurs jonchent une étendue désolée de vase qui rejoint l’horizon. Le ciel est parcouru de nuages marins et de grands triangles d’oiseaux qui le transpercent comme une flèche. Les couchers de soleil y sont beaux et mystérieux. Le globe rouge tombe derrière les ondulations des dunes boisées, dans l’océan invisible dont retentissent les jours de mauvais temps les coups lents et sourds.Il y a cinquante ans, autour du château, une demeure massive et carrée, le village n’était qu’un ramassis de cabanes en planches et de miséreux. Aujourd’hui, de petites villas bordent le réseau des routes et des ruelles. Leurs galeries reposent sur des poteaux enguirlandés de glycine et de rosiers. Les maisons des pêcheurs mêmes, sous un toit en vieilles tuiles qu’on toucherait du front, sont d’une blancheur aveuglante au soleil d’été. La coutume veut que chacun les badigeonne à la chaux pour la Saint-Vincent. La parure d’une treille abrite la porte et le banc de bois posé sous un contrevent ; des grillages incrustés de coquilles, qui servaient autrefois dans les parcs aux huîtres, encagent les petits jardins où sèche la lessive et poussent dans un sable couleur de cendre quelques maigres choux.