Edgar Quinet - Merlin l’enchanteur
Merlin l’enchanteur
Edgar Quinet
Descripción
En quel temps se passait cette histoire ? Il m’est impossible de répondre à une question pareille. Si vous exigez une date rigoureuse, je n’ai plus qu’à laisser cette page blanche et renoncer à mon récit. Pourtant, je dirai, à l’exemple des anciens (quelle autorité meilleure ?), c’était avant la moisson ; les épis étaient encore sur pied, ils répandaient l’odeur de la nielle sur la lisière des bois. Je dirai encore que le jour était doux et tempéré. Ce devait être une matinée du mois de mai, peut-être de juin. Une pluie tiède, rare, avait rafraîchi l’air étouffant des plaines ; elle était à demi essuyée, excepté dans le calice des roses sauvages, et sur la feuille charnue du chêne. À peine quelques nuages dorés sur les bords emportaient je ne sais où, dans un lambeau de pourpre, quelque ancien dieu attardé et fugitif ; car les dieux païens n’avaient pas tous encore quitté la terre. La croix était chancelante à l’endroit où elle était le mieux plantée. Le monde, ne sachant encore s’il appartiendrait à Jupiter ou au Christ, se parait de son plus beau rayon. Son haleine ressemblait à l’ambroisie, comme pour dire à la volupté ancienne : « Sois tranquille ! quoi qu’il arrive, je te reste fidèle. »